Alpissima - Laurence de la Ferrière

Angine et météo médiocre !

J’avais dit que j’attendais une période de mauvais temps pour oser prendre un peu de repos sans risquer de passer à côtés de l’opportunité d’avancer dans de bonnes conditions, et bien le mauvais est bel et bien arrivé…

La mauvaise nouvelle est que pour la première fois depuis mon départ, j’ai attrapé une grosse angine et j’accuse lourdement ma fatigue, la bonne est que mes filles sont arrivées et que je vais pouvoir passer un peu de temps avec elles.

L’équipe du film a débarqué pour tourner un sujet sur le village de Pontresina et, liés au réchauffement du climat, les risques naturels qui menacent ses habitants. Pour mon plus grand plaisir, je me transforme en journaliste et discute longuement avec Christina, le géographe. Je n’en dis pas plus, vous découvrirez le sujet plus tard dans le film qui va être réalisé.

Des conditions catastrophiques

Le ciel bleu est trompeur et masque
des plaques de neige instableset dangereuses

Puis, afin de préparer les prochaines étapes et en particulier la traversée de la Bernina, nous nous rendons au bureau des guides pour obtenir un maximum d’informations concernant les risques d’avalanches et l’aspect des glaciers que nous devons traverser. Nous perdons nos dernières illusions, les conditions sont catastrophiques. En fait, la neige récemment tombée masque les nombreuses crevasses de glaciers encore très ouverts pendant l’hiver. Dans cette région, la randonnée débute à la fin du mois de mars.

Bien que nous ayons déjà parcouru la moitié des Alpes dans des conditions peu courantes, je recule devant l’idée de me retrouver prise aux pièges d’un des dangers que je redoute le plus au monde : l’avalanche. Nous décidons de prendre une journée supplémentaire pour donner le temps à la neige de se tasser et modifions l’itinéraire afin de continuer à avancer en limitant les risques.

La suite dans mon prochain courrier et à très bientôt.

Laurence

Des perturbations entravent la progression

Demain, je serai à St Moritz.

Nous avons eu une grosse perturbation accompagnée d’une chute de neige importante ce qui nous a obligés à revoir l’itinéraire. Plutôt que de traverser le massif par un col élevé aux pentes exposées aux risques d’avalanches, nous avons décidé d’emprunter un itinéraire de fond de vallée, trois fois plus long mais dont les croupes arrondies nous ont permis de rester en sécurité.

C’est sous de gros flocons que nous démarrons à travers les arolles encapuchonnés de neige pour atteindre S-Charl à 1810 m d’altitude après 5 heures et 15 km. Une auberge d’un autre temps nous accueille chaleureusement avec d’entrée, un schnaps que nous avalons avec le plus grand plaisir. Le gardien parle français, cela fait bien longtemps que nous n’avons pu communiquer dans notre langue.

Sur la trace du renard !

Le lendemain, les nuages traversent le ciel à toute vitesse ce qui nous autorise quelques belles éclaircies. Le trace profonde ralenti notre pas mais je me plais à suivre celle d’un renard qui visiblement a décidé d’emprunter le chemin qui nous mène à Livigno. La pente faible fini au long de la vingtaine de km qu’il nous faut encore parcourir, par enflammer mes genoux et mes pieds. Je me demande parfois ce à quoi je vais ressembler à la fin de cette traversée...

Le sac pèse lourdement sur mes épaules, je termine cette étape fatiguée. Mais demain, je serai à St Moritz pour une journée de repos que je vais partager avec Céline et Charlotte, cette pensée me remonte le moral.

A bientôt. Laurence

Adieu l'autriche, bonjour la Suisse et l'Italie

Je sais que vous m’en voulez mais nous avons passé plusieurs jours en refuges et je n’avais pas d’ordinateur avec moi. L’Autriche, c’est fini. Presque cinq semaines à travers la partie la plus sauvage et la moins connue de l’Arc Alpin. De profondes traces dans la neige épaisse et vierge loin de toute civilisation, des rafales de vent à plus de 60 km/h au merveilleux temps ensoleillé mais toujours glacial, j’ai vécu une part importante et riche de ma traversée. Et surtout, je crois que c’est l’accueil des Autrichiens qui m’a le plus touchée.

Maintenant, nous naviguons sur la frontière Suisse et Italienne et je suis toujours aussi curieuse de ce que je vais découvrir le lendemain. Aujourd’hui, nous sommes à Garda, magnifique petit village aux façades peintes et aux larges porches construits en vieux bois. Il règne une harmonie qui me touche malgré la neige et le vent, je prends le temps d’apprécier ce moment.

Avant-hier, nous sommes montés à la Heidelberg Hutte, première incursion dans le massif de la Silvretta. Les sommets s’arrondissent, les cols sont beaucoup plus larges et le ski facile. Après le Stubai, je me sens un peu en vacances. La gardienne du refuge nous explique que le refuge suivant, le Jamtal hutte est fermé mais qu’elle peut nous fournir un peu de nourriture et un réchaud si nous décidons de bivouaquer. Il me semble plus judicieux de doubler l’étape et de tenter de rejoindre le refuge de Chamanna Toi.

Bientôt les retrouvailles avec mes filles !

Bonne idée, nous profitons d’une belle journée avant le mauvais temps annoncé et c’est ainsi que nous avons atteint Garda sans trop de problème. Si tout va bien, dans quelques jours nous atteindrons St Moritz où mes filles : Céline et Charlotte vont me rejoindrent. Cela fait bien trop longtemps que je ne les ai pas vues et je me réjouis de ce moment.

Voilà pour les dernières nouvelles et à très bientôt.
Laurence

Combien êtes-vous dans l'aventure ?

Questions des élèves d'une classe unique de CE CM en sud Ardèche

Combien êtes-vous dans l'aventure ? 

Réponse de Laurence

Cela dépend, en ce moment nous sommes trois, mais en fonction des zones à traverser et du film que nous voulons réaliser, nous pouvons être jusqu’à 6.

Qui est le photographe ?

Je n’ai pas de photographe particulier, mais les personnes qui m’accompagnent assurent ce travail. Les caméramans de Migoo font les images pour le film et la télévision.

Y-a-t-il une bonne ambiance dans l'équipe ?

Il y a une super ambiance dans l’équipe. Chacun a un rôle important à jouer et tient à l’assurer de la meilleure manière possible. C’est une longue expédition avec des contraintes d’organisation importantes et je dois avouer que je me sens vraiment bien entourée.

Comment Nicolet a-t'il été rapatrié ?

Nicolet a pu redescendre jusqu’en bas de la vallée et elle a été rapatriée par voiture et par avion en France.

Quels animaux as-tu rencontrés depuis le début de l'expéditon ?

Question des élèves de l'école St Thuriau de Berric (56) en CE2-CM1-CM2, Corentin, Tiphany et Antony de la classe de Bengy sur Craon, Loïs, Florian, Arthur, Noëmie, Yann, Kimberley, Sully, Christelle, Félana, Mathilde, Laurane, Jérémy, Elodie, et leur maîtresse, Aurélie d'une classe unique de CE CM en sud Ardèche et tous les autres !

Quels animaux as-tu rencontré depuis le début de l'expéditon ?

Réponse de Laurence

Au début de l’expédition, j’ai rencontré des troupeaux entiers de chamois, de cerfs et de chevreuils. Je crois qu’ils ont été très surpris de nous voir, ils ont toujours gardé une bonne distance mais ils ne semblaient pas effrayés par notre passage.

Un coq de bruyère en hibernation

Par contre, il m’est arrivé de déranger un coq de bruyère qui hibernait sous la neige juste sous mon bâton. Il s’est envolé brutalement et j’étais désolée de l’avoir perturbé. Maintenant que nous sommes en plus haute altitude et sur les glaciers, il y a beaucoup moins d’animaux visibles, bien que nous voyions encore des traces sur la neige.

Redécouvrir la montagne

Je croyais avoir connu les plus grands massifs glaciaires… Je dois vous avouer ma surprise et mon appréhension lorsque, après avoir remonté un long vallon et 1700 mètres de dénivelé depuis  Matreier Tauernhaus, nous abordons le premier col à plus de 2800 m d’altitude puis un second pour découvrir un univers sauvage et totalement isolé, immensité blanche fracturée de crevasses, séracs et barrières rocheuses.

Aucune vie ne semble possible, l’atmosphère est pure mais glaciale. Nous calculons notre cap pour trouver le refuge de Krüsinger. En quelques heures, nous sommes à l’abri dans une cabane confortable perchée au-dessus du glacier à 2550 m. Le soleil illumine l’intérieure de la salle commune équipée de bas flancs, de couvertures et un stock de bois nous promet une belle veillée auprès du fourneau.

Nous sommes seuls au monde, bien peu de gens parcourent la montagne à cette période de l’année et malgré la tension liée à la journée qui nous attend le lendemain, je me laisse gagner par une sorte de bien être et de plaisir. Dans une boite métallique, je découvre les restes de passages anciens et notre repas du soir sera grandement amélioré par un plat de pâtes et quelques gâteaux secs de nationalité inconnue. Une longue et bonne nuit finira par éliminer toute trace de stress et de fatigue.

Sueurs froides

C’est avec optimisme que j’aborde la remontée du glacier. Mais le plus difficile reste à venir, quitter le glacier en descendant dans une première vallée (qu’il est fort tentant de redescendre), que l’on traverse pour remonter les 600 m d’une large pente raide et gelée. Je me concentre sur chacune de mes enjambées et la tension monte lorsque, en équilibre sur mes couteaux, j’aborde de dangereuses conversions.

Enfin en haut, je découvre la vallée qui nous mènera à notre étape de St Peteri. Ce n’est pas fini, encore une dizaine de kilomètres le long de l’Ahrntal, certains passages situés au-dessus de falaises verticales, doivent se franchir en vitesse, aucune assurance possible, j’en ai encore des sueurs froides. En fin d’après-midi, nous atteignons, fourbus, le parking terminal.

Je commence à penser, qu’après presque un mois de progression ininterrompu, il me faudrait prendre un peu de repos. Mais je n’ose pas le faire tant qu’il fait beau, viendra bien le moment où le temps nous sera moins clément ! Voilà un épisode de cette extraordinaire traversée et je me réjouis de vous raconter la suite dans quelques jours.

Laurence

S'adapter au froid

Nous sommes dorénavant entrés au cœur des grands massifs glaciaires, avec un paysage qui s’affiche de plus en plus alpin, sévère et grandiose.

Lors de notre passage à Sonneblick à 3105 m et après une journée de ski éprouvante dans le blizzard sans aucune visibilité il y a trois jours, j’ai eu la chance de visiter l’un des observatoires Européens le plus ancien (100 ans) et dont les relevés en particulier concernant l’impact de l’explosion de Tchernobyl sont édifiants. Nous aurons l’occasion d’en reparler ultérieurement, l’équipe du film nous ayant rejoint nous avons pu tourner un sujet très complet.

Je suis repartie la journée suivante en direction du site Franz-Joseph avec pour objectif de dormir à la Oberwalderhütte à 2972 m et plus de 15 km à parcourir. Très longue étape en prévision mais la promesse de passer la nuit en altitude dans un refuge non gardé mais équipé de bois et de couverture, suffisait à notre bonheur.

De fait, nous sommes arrivés au sommet de la montagne qui abritait notre « sweet home » à la tombée de la nuit pour découvrir que la porte était bloquée par une quantité certaine de neige. Encore une bonne heure d’effort à pelleter et nous parvenons à entrer. Il fait très froid : -20 °C, un peu de bois, du charbon, quelques allumettes et encore un bon moment tous réfugiés le plus près possible de la supposée source de chaleur pour enfin faire fondre une première gamelle d’eau et se réhydrater un peu. Depuis l’Antarctique, je m’étais jurée de ne plus avoir froid, j’ai failli à ma promesse. Nous nous relayerons toute la nuit pour alimenter le réchaud et remplir nos gourdes d’eau en prévision de la journée du lendemain.

Il fait un temps magnifique et le moral est au beau fixe. Départ sur un immense glacier dont les sastruggis me rappellent l’Antarctique. En quelques heures, nous rejoignons notre prochaine étape : la Rudolfshhütte à 2311 m. Demain sera un autre jour et je vous raconterai la suite à l’occasion de notre prochaine descente dans la vallée.

A bientôt.

Laurence

[rédigé le 01 février 2006]

Avez-vous vu les dernières photos du parcours ?

Que manges-tu pendant la traversée ?

La question de Cyrielle et Camille

Bonjour Laurence, on voulait savoir ce que vous mangez pendant la traversée ?
Bonne route.
Cyrielle et Camille CLASSE DE CM1 CE2 CM2

La réponse de Laurence

Pour l’instant, du fait de l’enneigement, le tracé de la traversée me permet de redescendre dans les villages la plupart du temps et de dîner et dormir dans des ghf locales (auberges familiales) qui nous offrent des repas Autrichiens peut-être pas très diététiques mais bien reconstituants !

Lorsque je dois passer la nuit dans un refuge non gardé, il me faut porter sur le dos un sac de couchage, un petit réchaud et quelques lyophilisés. Le sac avoisine les 15 kg, mais je suis loin des 150 kg que j’avais dans mon traîneau pour traverser l’Antarctique.